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Géopolitique, Politique, Médias. Le blog d'une journaliste écrivain opposée aux guerres, administratrice de R-sistons à l'intolérable. Articles de fond, analyses, conseils pratiques, résistance, dénonciation de la désinformation. Blog engagé d'une humaniste pacifiste, gaullienne de gauche, croyante, citoyenne du monde universaliste. Et attachée à l'indépendance nationale !

Libérer les Palestiniens des mensonges de Bernard-​​Henri Lévy (II)

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Libérer les Palestiniens des mensonges de Bernard-​​Henri Lévy (II)

Alain Gresh, mercredi 21 novembre 2012

L’homme est entré à Gaza sur les tou­relles d’un char israélien début 2009, lors de l’opération « Plomb durci ». Il n’a rien vu à Gaza, aucun crime, aucune vio­lation du droit international.

Il n’a rien vu à Gaza, aucun crime, aucune vio­lation du droit inter­na­tional. Pour jus­tifier une opé­ration qui a fait plus de 1 400 morts du côté pales­tinien (en majorité des civils), il a utilisé les mêmes argu­ments, les mêmes men­songes qu’invoquait l’armée fran­çaise durant la guerre d’Algérie — ces argu­ments que défendait le général Bigeard, à qui le gou­ver­nement de gauche rend hommage ce 20 novembre, et cer­tains intel­lec­tuels de l’époque (oui, il existait des intel­lec­tuels affirmant que la torture n’était pas pra­tiquée en Algérie).

J’avais, dans un pré­cédent papier, appelé à libérer les Pales­ti­niens des men­songes de Bernard-​​Henri Lévy. Il remet cela aujourd’hui, dans une de ses chro­niques du Point (22 novembre), inti­tulée « Obscénités ».

« Remettons les choses en place. Tsahal a évacué Gaza, uni­la­té­ra­lement, sans condi­tions, en 2005, à l’initiative d’Ariel Sharon. Il n’y a plus, depuis cette date, de pré­sence mili­taire israé­lienne sur ce ter­ri­toire qui est, pour la pre­mière fois, sous contrôle palestinien. »

Premier men­songe. Gaza reste, pour les Nations unies, un ter­ri­toire occupé. La seule dif­fé­rence, c’est que les geô­liers sont hors de la prison, pas à l’intérieur. Mais ils ne sou­mettent pas seulement le ter­ri­toire à un blocus, ils empêchent Gaza d’exporter ses pro­duc­tions agri­coles et, comme le rap­pelle l’ONU, 35 % des terres culti­vables et 85 % des eaux pour la pêche sont par­tiel­lement ou tota­lement inac­ces­sibles aux Gazaouis en raison des res­tric­tions israéliennes.

« Les gens qui l’administrent et qui, par paren­thèse, ne sont pas arrivés par les urnes mais par la vio­lence et au terme — juin 2007  — de plu­sieurs mois d’un affron­tement san­glant avec d’autres Pales­ti­niens, n’ont plus avec l’ancien occupant l’ombre d’un conten­tieux ter­ri­torial du type de celui qu’avait, mettons, l’OLP de Yasser Arafat. »

S’il y a eu une guerre civile inter­pa­les­ti­nienne, le Hamas a gagné des élec­tions démo­cra­tiques en 2006, en Cis­jor­danie et à Gaza. Et que veut dire : les gens qui admi­nistrent (Gaza) n’ont pas de conten­tieux ter­ri­torial avec Israël ? C’est à peu près le langage que tenaient les Amé­ri­cains pendant la guerre du Vietnam, lorsqu’ils disaient que le Nord-​​Vietnam n’avait aucun conten­tieux territorial.

L’enjeu, rappelons-​​le, est l’édification d’un Etat pales­tinien indé­pendant que le gou­ver­nement israélien rejette.

« Des reven­di­ca­tions d’un Arafat comme de celles, aujourd’hui, de Mahmoud Abbas, on pouvait estimer qu’elles étaient exces­sives, ou mal for­mulées, ou inac­cep­tables  : au moins existaient-​​elles et laissaient-​​elles la pos­si­bilité d’un accord poli­tique, d’un com­promis, alors que, là, avec le Hamas, prévaut une haine nue, sans mots ni enjeux négo­ciables — juste une pluie de roquettes et de mis­siles tirés selon une stra­tégie qui, parce qu’elle n’a plus d’autre but que la des­truction de l’“entité sio­niste”, est une stra­tégie de guerre totale. »

Exces­sives, les reven­di­ca­tions d’un Mahmoud Abbas qui réclame 22 % de la Palestine his­to­rique ? Et, contrai­rement à ce que prétend notre « phi­lo­sophe », il n’y aura aucun accord poli­tique pos­sible tant que les gou­ver­ne­ments israé­liens rejet­teront l’application du droit inter­na­tional et le retrait d’Israël de tous les ter­ri­toires occupés. Quant à la position du Hamas, BHL la déforme tota­lement. S’agissant de la recherche d’une solution poli­tique, le Hamas est bien plus modéré qu’Avigdor Lie­berman, ministre des affaires étran­gères israélien et militant d’extrême droite notoire. Para­doxa­lement, si Lie­berman avait été élu dans un pays européen, BHL serait le premier à demander son boycott par les auto­rités françaises.

« Et quand Israël, enfin, s’avise de cela, quand ses diri­geants décident de rompre avec des mois de retenue où ils ont accepté ce qu’aucuns autres diri­geants au monde n’ont jamais eu à accepter, quand, constatant, de sur­croît, dans l’effroi, que le rythme des bom­bar­de­ments est passé d’une moyenne de 700 tirs par an à presque 200 en quelques jours et que l’Iran a, par ailleurs, com­mencé de livrer à ses pro­tégés des FAJR-​​5 pouvant frapper, non plus seulement le sud, mais le cœur même du pays, et jusqu’aux fau­bourgs de Tel-​​Aviv et Jéru­salem, ils se résolvent à réagir — que croit-​​on qu’il se passe  ? »

Encore un men­songe. Comme en 2008, c’est le gou­ver­nement israélien qui a rompu la trêve. Entre juin 2008 et novembre 2008, le cessez-​​le-​​feu régnait, et c’est l’assassinat par l’armée israé­lienne de mili­tants pales­ti­niens à l’intérieur de Gaza qui déboucha sur une escalade. La simple consul­tation des rap­ports heb­do­ma­daires des Nations unies sur la situation à la fron­tière, en octobre-​​novembre 2012, montre que, à chaque fois, ce sont des assas­sinats ciblés israé­liens qui ont entraîné l’engrenage de la violence.

« Le Conseil de sécurité des Nations unies, que l’on a rarement vu, ces der­niers mois, si prompt à la détente, se réunit dans l’urgence pour débattre, non de l’éventuelle dis­pro­portion, mais du principe même de la légitime défense israé­lienne. Le ministre des Affaires étran­gères bri­tan­nique, à qui l’on ne sou­haite pas de voir la partie sud de son pays sous le feu d’une orga­ni­sation reprenant le sentier de la guerre ter­ro­riste, menace l’Etat hébreu de perdre, en faisant son travail de pro­tection de ses citoyens, les maigres der­niers sou­tiens qu’il a la bonté de lui recon­naître sur la scène internationale. »

« La res­pon­sable de la diplo­matie euro­péenne, Catherine Ashton, com­mence par dédouaner le Hamas d’attaques fomentées pour partie, selon elle, par d’“autres groupes armés” et ne trouve à déplorer, dans le plus pur style tartufe du renvoi dos à dos des extrémistes-​​des-​​deux-​​bords, qu’une “escalade de la vio­lence” où, comme dans la nuit hege­lienne, toutes les vaches sont devenues grises  »

Ces décla­ra­tions euro­péennes ne doivent tromper per­sonne. Tout le monde sait que, depuis des années, l’Union euro­péenne déve­loppe des rela­tions bila­té­rales avec Israël, indé­pen­damment de l’action de ce pays dans les ter­ri­toires occupés, indé­pen­damment de la construction quo­ti­dienne de colonies, indé­pen­damment de la vio­lation régu­lière des droits humains.

« Le Parti com­mu­niste, en France, exige des “sanc­tions”. Les Verts, que l’on n’a guère entendus, ni sur la Syrie, ni sur la Libye, ni sur les cen­taines de mil­liers de morts des guerres oubliées d’Afrique ou du Caucase, clament que “l’impunité d’Israël doit cesser”. Des mani­fes­tants “paci­fistes”, qui ne daignent pas, eux non plus, sortir de chez eux quand c’est Kadhafi ou Assad qui tuent, des­cendent soudain dans la rue — mais c’est pour dire leur soli­darité avec le seul parti qui, en Palestine, refuse la solution des deux Etats, donc la paix. »

« Et je ne parle pas de ces experts ès conspi­ration qui, confor­ta­blement ins­tallés dans leur fau­teuil d’éditorialiste ou de stratège en chambre, ne veulent voir dans cette his­toire que la main démo­niaque d’un Neta­nyahou trop heureux d’une nou­velle guerre qui va faci­liter sa réélection. Je n’entrerai pas dans des comptes d’apothicaire remon­trant à ces igno­rants que tous les son­dages, avant la crise, don­naient Neta­nyahou déjà lar­gement gagnant. Je ne m’abaisserai pas à confier à des gens pour qui, de toute façon, quoi qu’il fasse, Israël est l’éternel cou­pable, ce qui, si j’étais israélien, me dis­sua­derait, moi, de voter pour la coa­lition sortante. »

Vous l’avez compris, BHL n’est pas confor­ta­blement ins­tallé dans son fau­teuil, et si l’armée israé­lienne envahit Gaza, nul doute qu’on le verra sur un char israélien. Quant à la dimension élec­torale de l’action, elle est évidente, même si elle n’est pas la seule dimension de cette inter­vention. Car, contrai­rement à ce qu’écrit notre « phi­lo­sophe », l’avance de Néta­nyahou ne l’assurait pas du tout de la vic­toire. Quant au vote de BHL, il irait sans doute à l’opposition, celle qu’incarnent M. Olmert et Mme Livni, ceux-​​là mêmes qui ont mené la guerre de 2006 contre le Liban et de 2008-​​2009 contre Gaza, avec l’appui, rappelons-​​le, du mou­vement La Paix maintenant.

« Et quant à rap­peler à ces petits malins que, s’il y a une manœuvre, une seule, aux sources de cette nou­velle tra­gédie, c’est celle d’un esta­blishment Hamas qui est prêt à toutes les sur­en­chères et toutes les fuites en avant, et qui est décidé, en réalité, à lutter jusqu’à la der­nière goutte de sang du dernier Pales­tinien plutôt que d’avoir à rendre le pouvoir, ainsi que les avan­tages qui vont avec, à ses ennemis jurés du Fatah — à quoi bon  ? »

Le plus étonnant, c’est que, comme le recon­naissent divers jour­na­listes israé­liens bien plus cou­rageux que BHL, le Hamas tente, depuis cinq ans, de faire appliquer le cessez-​​le-​​feu, mais il fait face à des groupes radicaux qui se nour­rissent du désespoir pales­tinien (et qui sont armés, entre autres, avec du matériel issu des arsenaux libyens que plus per­sonne ne contrôle).

« Face à ce concert de cynisme et de mau­vaise foi, face à ce deux poids deux mesures qui fait qu’un mort arabe n’est digne d’intérêt que si l’on peut incri­miner Israël, face à cette inversion des valeurs qui trans­forme l’agresseur en agressé et le ter­ro­riste en résistant, face à ce tour de passe-​​passe qui voit les Indignés de tous pays héroïser une nomenk­latura brutale et cor­rompue, impi­toyable avec les faibles, les femmes, les mino­rités et enrôlant ses propres enfants dans des bataillons de petits esclaves envoyés creuser les tunnels par où tran­si­teront les douteux trafics qui vont les enrichir encore, face à cette mécon­nais­sance crasse, en un mot, de la nature réelle d’un mou­vement dont “Les pro­to­coles des sages de Sion” sont un des textes consti­tutifs et que son chef, Khaled Mechaal, diri­geait jusque récemment depuis une confor­table rési­dence à Damas, il n’y a qu’un mot  : obscénité. »

« Obs­cénité » : BHL fait sans doute réfé­rence à ses propres « argu­ments » pour jus­tifier l’injustifiable.

Mardi 20 novembre

 

http://www.france-palestine.org/Liberer-les-Palestiniens-des,20825

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