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En visite en Arménie jeudi et vendredi, Nicolas Sarkozy à appeler Ankara à reconnaître rapidement le génocide arménien. Des propos qui ont provoqué la colère de la Turquie. "Il serait mieux, pour la sérénité en France, en Europe et dans le monde, que Nicolas Sarkozy abandonne le rôle d'historien", a ainsi commenté le ministre turc aux Affaires européennes, Egemen Bagis.
La visite de Nicolas Sarkozy en Arménie fait des remous en Turquie. En déplacement officiel à Erevan jeudi et vendredi, le président français a invité Ankara à reconnaître rapidement le génocide arménien. "Il ne revient pas à la France de poser un ultimatum à qui que ce soit, ce n'est pas une façon de faire (...) mais enfin, à travers les lignes, vous pouvez comprendre que le temps n'est pas infini, 1915-2011, il me semble que pour la réflexion c'est suffisant", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse avec son homologue arménien Serge Sarkissian. A plusieurs reprises, il a invité la Turquie à "revisiter son histoire" ou encore à "regarder son histoire en face". "La France a reconnu la sentence de mort décrétée alors contre tout un peuple en l'appelant par son nom, le seul possible, un génocide", a-t-il insisté.
Des propos très applaudis par l'assistance. Mais à Ankara, la réaction du gouvernement n'a pas tardé, via le ministre aux Affaires européennes, Egemen Bagis. "Il serait mieux, pour la sérénité en France, en Europe et dans le monde, que Nicolas Sarkozy abandonne le rôle d'historien et se creuse un peu la tête pour sortir son pays du gouffre économique dans lequel il se trouve et produise des projets pour l'avenir de l'Union européenne."
Le message était clair. Mais Egemen Bagis en a pourtant remis une couche, déclarant quelques minutes après, selon l'agence de presse Anatolie : "Notre mission, en tant qu'hommes politiques, n'est pas de définir le passé ou les événements du passé. C'est de définir l'avenir." Et de reprocher à Nicolas Sarkozy "une exploitation [du sujet] à l'approche de l'élection" présidentielle française. "Sarkozy a probablement adopté ce type d'approche après avoir été effrayé par les derniers sondages politiques en France", a-t-il ainsi insisté. Il a été suivi par son ministre de tutelle, le chef de la diplomatique turque, Ahmet Davutoglu. Ce dernier a en effet dénoncé "l'opportunisme politique" de "propos qui s'inscrivent totalement dans le contexte électoral en France". "Ceux qui disent à la Turquie de se réconcilier avec son passé doivent d'abord se regarder dans un miroir", a-t-il lancé, faisant allusion au passé colonial de la France.
Avant son élection en 2007, le candidat Sarkozy avait en effet promis aux représentants de la communauté arménienne de France - environ 500.000 personnes - de soutenir le vote d'un texte de loi spécifique réprimant la négation du génocide de 1915. Mais le texte n'est jamais entré en vigueur, faute d'une majorité au Sénat et surtout du soutien du gouvernement. Nicolas Sarkozy a d'ailleurs confirmé que si la Turquie ne faisait pas "ce geste de paix, ce pas vers la réconciliation", il envisagerait de proposer l'adoption du texte. Cette "réaction de la France se ferait connaître dans un délai assez bref (...) qui en tout état de cause englobe la durée de mon mandat" en avril 2012, a-t-il déclaré, avant d'ajouter : "Si je ne le précise pas [ce délai] c'est que j'espère toujours" des réactions "turques".
Présent à Ankara vendredi pour la signature d'un accord de coopération sécuritaire, le ministre français de l'Intérieur, Claude Guéant, a tenté de dégonfler la polémique. "Il convient de s'en tenir strictement aux propos du président de la République sans les interpréter", a-t-il déclaré, assurant que Nicolas Sarkozy n'avait "pas évoqué de délai" pour une reconnaissance par la Turquie du génocide arménien. Interrogé sur la réaction de la France en cas d'une hypothétique reconnaissance par la Turquie d'un "génocide des Algériens", il a tenté de couper court au débat : "Le président de la République est allé en Algérie, il a eu des propos extrêmement forts sur ce moment douloureux de notre passé entre l'Algérie et la France. Il a tourné la page."
Dans ce dossier, la Turquie estime qu'entre 300.000 et 500.000 personnes ont péri en 1915-1916, mais Ankara estime que les Arméniens n'ont pas été victimes d'une campagne d'extermination, mais du chaos des dernières années de l'Empire ottoman. Pour les Arméniens, il s'agit bien d'un génocide, qui a fait plus d'un million et demi de mort. La France, elle, l'a reconnu en 2001.