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10 octobre 2014 5 10 /10 /octobre /2014 03:16

 

 

Pour info, à mes Lecteurs et Lectrices :

Je viens de publier trois nouveaux livres,

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Chantal Dupille (eva R-sistons) publie son autobiographie "Arlequine"

 


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Si les publicités continuent de souiller partout
ce blog d'information contre les guerres,
je l'arrête.  eva R-sistons

04 oct. 2014

La guerre de 1914 a suscité un ressentiment général contre nos dirigeants, politiques et militaires...

Pour Marc Ferro, « la guerre de 1914 n'a pas mis le patriotisme en berne, elle a mis en berne le sacrifice de ceux qui pendant quatre ans ont vécu une vie d'une atrocité sans précédent. Elle a suscité un ressentiment sans égal contre nos dirigeants, politiques et militaires, qui ont souvent envoyé à l'abattoir des troupes ou pour le bien du communiqué, ou pour la gloire de tel ou tel général. Et du même coup, après 1918, et malgré la victoire, une sorte de pacifisme a émergé dans les profondeurs : plus jamais ça !, qui était différent du pacifisme d'avant la guerre de 1914 qui, lui craignait que la guerre ne vienne arrêter les progrès de la société vers un monde meilleur.


« Le premier pacifisme d'avant 1914 a été débordé par le patriotisme. Le second pacifisme - on en voit des images aux actualités de 1939, où on ne voit pas de soldats la fleur au fusil, mais au contraire, des mobilisés en larmes qui ont du mal à monter dans le train qui les enverra en Lorraine ou en Alsace. C'est donc un autre pacifisme que celui d'avant 1914, avec le sentiment que la patrie était ingrate envers ses citoyens. »

Suivons Marc Ferro dans son évocation historique.

Michel Peyret

Marc Ferro : "La guerre de 14-18, c'est l'apothéose de l'unité nationale"

Le Monde.fr | 04.10.2013

Marne : Pourquoi cette guerre a tant marqué les Français ?

Marc Ferro : La guerre de 1914 a plus marqué que toutes les autres tous les Français, car elle a double caractère : elle a été victorieuse, et ça a été la seule guerre où, comme jamais, il y a eu autour de ce combat l'unité nationale.
Souvenons-que pendant la 2e guerre mondiale, il y a une sorte de guerre civile intérieure : les uns sont pour les alliés, Anglais et Américains, les autres, pour l'intégration dans l'Allemagne et dans un régime nazi ou fascisant.
Rappelez-vous qu'auparavant, en 70, par haine du Second Empire, beaucoup de nos hommes politiques souhaitaient la défaite de l'empereur. Je ne remonte pas jusqu'aux guerres de religions, où le pays était déjà divisé en deux. 14-18, c'est l'apothéose de l'unité nationale.


Visiteur : Pour quelle raison se poser une telle question aujourd'hui ?

Marc Ferro : La question qu'on se pose aujourd'hui vient bien sûr d'abord du fait que nous savons bien que pendant la dernière guerre, nous n'avons figuré parmi les vainqueurs que grâce à un homme, à des résistants, mais aussi à la puissance des alliés, et nous n'avons été que des vainqueurs d'occasion.
Du même coup, du fait que nous ressentons plus amèrement que notre pays n'est plus le premier de la Terre, ce qui est l'expression d'une sorte de décadence. Or, en France, la crainte de la décadence est ancienne, elle date au fond de la défaite de Napoléon 1er.
Cette idée est d'ailleurs née entre 1830 et 1860. Et du même coup, 1914 ressort comme une pierre précieuse. On a peur de retomber dans la décadence telle que l'a incarnée la période 1917-1939.
A l'époque, la décadence s'inscrivait dans un cadre contrôlable : l'Europe. Alors qu'aujourd'hui, la crainte de la décadence, qui est ressentie très largement, s'inscrit dans un cadre mondial où nous sentons bien, comme le disait le général de Gaulle, qu'il n'y aura pas de bataille de Poitiers.
Parce que la puissance économique de la Chine, la future puissance de l'Inde, du Brésil, la renaissance en Russie, voilà qui est disproportionné avec les forces de notre pays pour les trente années à venir.
D'où ce sentiment trouble, mais qu'on n'ose pas aborder de face, d'autant plus qu'à la menace économique s'ajoute une menace idéologique de par la montée d'un islamisme - pas de l'islam - conquérant.


Anne : Vous dites "nous ressentons plus amèrement que notre pays n'est plus le premier de la Terre" mais n'est-ce pas faire bien peu de cas de l'extraordinaire démission collective qui a conduit à la débâcle de 40 ?

Marc Ferro : La débâcle de 1940 a été l'expression tragique des craintes qu'on avait auparavant malgré la belle histoire de 1914-1918. Et surtout, la déchéance des années 1919-1939 a mis en valeur la nature de nos institutions qui n'étaient pas aptes à faire face à un grave danger. Heureusement, le gaullisme, dans sespremières versions, à l'époque des Trente Glorieuses, qui en sont le fruit, a réussi à régénérer quelque peu l'économie du pays. Mais on sent aujourd'hui que cette régénération est un bout de piste.


Jpg : Est-ce la guerre de 14-18 qui a mis le patriotisme en berne ?

Marc Ferro : La guerre de 1914 n'a pas mis le patriotisme en berne, elle a mis en berne le sacrifice de ceux qui pendant quatre ans ont vécu une vie d'une atrocité sans précédent. Elle a suscité un ressentiment sans égal contre nos dirigeants, politiques et militaires, qui ont souvent envoyé à l'abattoir des troupes ou pour le bien du communiqué, ou pour la gloire de tel ou tel général. Et du même coup, après 1918, et malgré la victoire, une sorte de pacifisme a émergé dans les profondeurs : plus jamais ça !, qui était différent du pacifisme d'avant la guerre de 1914 qui, lui craignait que la guerre ne vienne arrêter les progrès de la société vers un monde meilleur.
Le premier pacifisme d'avant 1914 a été débordé par le patriotisme. Le second pacifisme - on en voit des images aux actualités de 1939, où on ne voit pas de soldats la fleur au fusil, mais au contraire, des mobilisés en larmes qui ont du mal à monter dans le train qui les enverra en Lorraine ou en Alsace. C'est donc un autre pacifisme que celui d'avant 1914, avec le sentiment que la patrie était ingrate envers ses citoyens.


JFR : A quand la réhabilitation des mutins ?

Marc Ferro : Les mutins ont été plusieurs fois réhabilités dans l'Histoire discrètement jusqu'en 1960 ou 1980 dans beaucoup de livres. Mais il y a toujours eu des forces politiques et militaires qui ont refusé cette réhabilitation.
Le tournant politique de cette situation, c'est bien sûr le discours de Lionel Jospin, qui a dit courageusement que ces mutins avaient été des patriotes comme les autres, mais protestaient contre des offensives inutiles qui créaient des milliers de morts.
Mais surtout, je voudrais ajouter que dans les mémoires des anciens combattants de 1914-1918, on ne trouve jamais un mot contre les mutins de 1917. Ceux que stigmatisent les survivants de la guerre, ce sont les embusqués, les trafiquants, les planqués, et pour les combattants des tranchées, les premiers planqués étaient ceux qui étaient des combattants mais qui n'étaient pas dans les tranchées.
D'abord les artilleurs, qui étaient un peu plus loin en arrière ; ensuite l'état-major qui était encore plus loin ; et ensuite les civils, qui s'étonnaient qu'on n'ait pas encore remporté la victoire. Voilà quelles étaient, pour ceux qui se sont battus, les personnes qui méritaient l'opprobre. Mais pas les mutins, qui étaient des leurs et qui avaient eu ces réactions qu'on n'a pas entendu un seul soldat désapprouver à l'époque.


Chemin des Dames : Cette guerre fait encore débat sur ses origines. Est-ce le capitalisme qui en est responsable ? L'impérialisme des protagonistes ? L'Allemagne ?

Marc Ferro : Les luttes impérialistes sont certainement à l'origine de la guerre de 1914, et plus que tout, la rivalité entre l'Allemagne et l'Angleterre pour la domination du monde.
Mais les autres pays ont également leur responsabilité, et en France, c'est plutôt l'idée de la revanche, de la récupération de l'Alsace-Lorraine depuis la défaite de 70, qui crée un nationalisme, au moins chez un certain nombre de dirigeants, sinon chez tous les Français, puisqu'il y a aussi, comme je l'ai dit, un certain pacifisme parallèle au nationalisme.
On peut donc dire que les responsabilités sont partagées. Mais on peut considérerdans le détail de la crise de 1914 que l'Allemagne a joué un rôle moteur en laissant l'Autriche-Hongrie écraser la Serbie, ce qui conduisait inéluctablement à l'intervention de la Russie, puis de la France, etc.
Donc l'impérialisme, certes, a joué un rôle fondamental, mais le nationalisme aussi, et le patriotisme autant, c'est-à-dire la crainte pour les Français de voirl'Allemagne les engloutir, et la crainte des Allemands de se trouver toujours entre deux feux : la France et la Russie.


Visiteur : Toutes proportions gardées, comment avons-nous pu gagner la guerre elle-même et avoir si mal négocier la paix, notamment avec nos alliés ? Alors que Foch et Clemenceau voyaient si loin ?

Thierry : Comment avons-nous pu gagner la guerre, si difficilement, et ensuite perdre la paix ? d'abord au traité de Versailles, ensuite quand le Sénat américain a refusé de ratifier le traité et de garantir les frontières françaises ?

Marc Ferro : Le jugement qu'on porte aujourd'hui est bien celui qui vient d'être énoncé. Mais personne en 1919 n'a vu les choses de cette façon. Vu le fait que la France avait été envahie et détruite sur un bon cinquième de son territoire, la Belgique également envahie alors qu'elle était neutre, exiger une paix draconienne et des réparations semblait tout à fait naturel aux Français, ou du moins à ceux qui avaient conduit cette guerre.
Les uns voulaient même diviser l'Allemagne en morceaux comme elle l'était avant 1870. Du coup, les Anglais, voire les Américains, craignaient que la France ne retrouve ses aptitudes impérialistes de l'époque de Napoléon.
C'est le premier point. Le deuxième point, le plus important, c'est que les Français n'ont pas vu que l'Allemagne était vaincue sur le terrain militaire, mais que sa puissance était intacte, parce que ni les troupes françaises, ni les anglaises, ni les américaines, n'avaient pénétré le territoire du Reich. Alors que la France était très affaiblie par les destructions de la guerre et par une proportion de morts et de blessés plus grande que chez le vaincu.
Si bien que quelques années après 1918, l'Allemagne, même en partie désarmée, pouvait disposer d'une puissance de frappe dont n'avaient pas conscience nos dirigeants. Ce n'est pas tellement plus d'ailleurs nos anciens alliés, qui n'avaient pas perçu l'importance de cette différence. Une France vieillie, amputée en partie de ses ressources industrielles, et au contraire une Allemagne dont le ressentiment contre le traité de Versailles n'avait pas de limites, et qui jugeait qu'elle n'avait pas été vraiment vaincue.
D'ailleurs, si on regarde les images du 11 novembre 1918, on verra quelle allégresse régnait le 11 novembre à Paris, à Londres, à Washington, mais on ne peut pas imaginer ou on n'a pas voulu voir qu'il régnait la même allégresse à Berlin, car les Allemands ne pouvaient pas imaginer qu'ils étaient vaincus, puisque leurs terres étaient demeurées inviolées. Et c'est sur ce malentendu tragique que la suite va venir, l'Allemagne jugeant inique le traité de Versailles, qui faisaitreposer sur elle la responsabilité de la guerre.


Christophe : Nous sommes donc les véritables perdants ?

Marc Ferro : Nous ne sommes pas de véritables perdants, nous avons été aveugles à une situation que, sur le moment, on n'avait pas analysée. Mais l'aveuglement est une constante de l'Histoire. D'ailleurs, je suis en train d'écrire un livre sur ce problème : pourquoi sommes-nous si souvent aveugles ?


XXX : Partagez-vous, à l'approche du centenaire 1914-2014, l'inquiétude de certains historiens devant une "prise en main" de la Grande Guerre par les politiques ?

Marc Ferro : Naturellement, en tant qu'historien de l'Ecole des Annales, je suis hostile à toute prise en charge de l'Histoire par l'Etat. De ce point de vue-là, on voit les résultats que cela donne en Union soviétique, où l'Histoire contrôlée par le Parti communiste faisait disparaître de la scène, successivement, Trotski, etc. Cela dit, la France ne risque pas de tomber trop dans ce travers, car peu de dirigeants d'une part, sauf Sarkozy quand il a voulu construire cette Maison de l'Histoire, se mêlent de disserter sur l'identité de notre pays.
D'autre part, en France, les historiens forment une cohorte plus puissante que dans d'autres pays, reconnue pour son indépendance dans la plupart des pays étrangers, et où il y a bien sûr des historiens officiels, mais ils sont submergés par le plus grand nombre de leurs collègues.
Par conséquent, je n'ai pas trop de craintes sur cette prise en charge même si, comme l'exemple du Bicentenaire de la Révolution française l'a montré, dans les commémorations, on salue plus l'unité nationale que les divisions intérieures. Donc, que vous ne vous inquiétiez pas trop : je fais confiance à Antoine Prost pour mener l'affaire avec toute l'indépendance d'esprit qui caractérise notre profession.


Dardanelles : Finalement, 100 ans après la tragédie de 14, quel enseignement peut-on tirer aujourd'hui de la Grande guerre ?

Christophe : En quoi les échos de cette guerre résonnent encore aujourd'hui ?

Marc Ferro : Les échos de cette guerre résonnent aujourd'hui plus que d'autres, pour autant que les échos de la deuxième guerre mondiale nous rappellent les horreurs qui ont pu être commises. Je pense aussi bien à l'extermination des Juifs, des Polonais, des Serbes, des Roms, qu'au comportement d'un certain nombre de Français qui ont joué les délateurs et qui ont été complices de cette ignominie. Il n'y a pas eu de trace de cela en 1914-1918, et on n'a en rien à avoir honte de ce qui s'est passé. Donc ce souvenir peut être commémoré comme un moment de clarté dans l'Histoire. Il n'y en a pas beaucoup de souvenir qui peut être commémoré comme un moment de clarté dans l'Histoire. Il n'y en a pas beaucoup.

 


La guerre de 1914 a suscité un ressentiment général contre nos dirigeants, politiques et militaires...

 

 

 

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Mercredi 23 octobre 2013
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